mardi 13 avril 2010
[11] Je rencontre
samedi 9 janvier 2010
[10] Monologue dialogué
samedi 10 octobre 2009
[9] Mon deuil
Un simple soir d’automne comme on n’en vivra plus. Un de ceux où je pouvais encore sentir l’odeur des feux de paille dans les champs et celle des cheminées qui crépitent et fument dans les villages. Quelques bouffées de bonheur. Dans un cadre installé sur le petit guéridon du salon dont j’avais hérité de ma grand-mère, il y avait une photographie. Les Landes de Gascogne. On y voyait de magnifiques arbres. D’immenses pins maritimes dont les rayons du soleil distillaient le caractère et l’élégance. Le temps n’avait été clément qu’un seul jour lors de cette balade à Mont-de-Marsan. On avait réussi à capturer l’Instant, si fugace et volage d’ordinaire. Il était là ; devant moi. Et Simon. Il ne souriait pas. Jamais. Il vous tenait simplement la main et je trouvais que ce geste valait bien l’absence de chaleur dans son regard. Simon fixait l’objectif comme un enfant mélancolique qui rêve d’échapper au temps. Je crois qu’il n’était pas heureux. Simon m’avait quittée quelques mois après ce cliché et depuis je ne l’avais jamais abandonné. Je consentais à subir quotidiennement ce regard froid et distant que j’avais fini par trouver agréable. Je n’étais aujourd’hui qu’une mendiante sur le port qui se noyait dans l’océan de poussière d’un amour consumé. Il pleut. Je sortais la tête hors de l’eau. J’avais saisi le cadre et je l’avais placé devant moi. Il m’observait toujours, fixement, impassible et insensible. Je soutenais son regard. Dehors, j’entendais le martèlement de la pluie contre les volets. Ce soir, il serait mort. Je brûlerai ce qu’il reste de lui, j’enterrerai les cendres dans le jardin, et mon deuil serait fait. Nous aimions les soirs d’orage qu’on passait blottis l’un contre l’autre. Sa présence me rassurait. J’étais seule désormais. J’ai pleuré, j’en étais embarrassée. J’ai hurlé, j’en avais honte. Je m’humiliais à revoir son corps, ses mains, ses yeux, ses lèvres ; à entendre sa voix me dire « je t’aime ». Il m’avait promis, il l’avait juré ! Je le tuais. Je l’ai noyé. J’ai assassiné cet être de papier, cet être qui n’est au fond ni chair ni sang, mais simplement un songe, un vieux cauchemar venu me hanter. J’ai dénoué mes cheveux et je suis sortie sur la terrasse. Il pleuvait encore. Sur le sol du salon, la photographie gisait autour des morceaux de verre du cadre brisé.