jeudi 8 janvier 2009

[3] Un petit morceau de papier


« For those who wake
With a blind headache
Who must be still
Who will sit and wait
For sunday, to be monday »


Sunday, Sia



J’ai essayé de la retenir. Je me suis approché d’elle et j’ai tenté de la prendre dans mes bras. Au moins une dernière fois. Elle m’a repoussé. Elle a murmuré un vague « Il vaut mieux que je parte » que je n’ai pas voulu entendre. Elle est montée dans le train ; sans même un au revoir, sans même un dernier baiser. Je n’ai pas pu la regarder. J’ai glissé mes mains dans les poches de ma veste et j’ai longé le quai. Les passants me bousculaient. Je m’apprêtais à en arrêter un quand je l’ai entendue crier mon prénom. Je me suis retourné. Elle m’a sauté dans les bras. Nous sommes restés au milieu de ce quai miteux quelques minutes sans oser parler, sans même bouger. Je l’entendais sangloter sur mon épaule. J’ai fermé les yeux et j’ai mordillé mes lèvres. Il ne fallait pas que je pleure ; elle ne supporterait pas cet excès de sentimentalité. Ce qu’elle aimait chez moi, c’était ma fragilité dissimulée. « Les avantages de l’homme viril ; les inconvénients en moins de l’homme délicat ». Je ne devais pas la décevoir. Pas aujourd’hui. Aussi soudainement qu’elle s’était précipitée sur moi, elle s’est dégagée. Elle détournait la tête. Elle ne voulait pas que je la regarde. « Rentre bien. Couvre-toi, il fait froid. Eh bien, bonsoir ». Elle est montée dans le wagon qui se situait à côté de nous. J’ai regardé au travers des vitres du compartiment, mais je ne l’ai pas vue. Plus tôt dans la journée, elle m’avait assuré qu’on se retrouverait, qu’elle m’écrirait. J’avais griffonné sur un morceau de papier mes coordonnées et mon numéro de téléphone. Je le lui avais donné. C’était l’Amour de ma vie et le seul souvenir qu’elle aurait de moi serait cette page froissée. Je me détestais. Au loin, j’ai entendu le coup de sifflet du contrôleur. Lentement, les portes du train se sont refermées. La machine s’est mise en route. J’ai regardé chacun des visages qui passaient devant moi, tranquillement assis dans les compartiments ; mais je ne l’ai pas vue. Je n’ai pas non plus remarqué qu’elle me regardait au travers de la porte vitre du dernier wagon ; serrant dans sa main droite le morceau de papier que je lui avais donné. Je suis sorti de la gare. J’ai mis mes lunettes de soleil. Il faisait froid et gris ce jour-là. Nous étions dimanche. On penserait sûrement que j’étais l’homme le plus superficiel qu’il soit donné de connaître. Je savais que j’étais simplement un homme amoureux qui venait de quitter celle qu’il aimait.

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