lundi 27 avril 2009

[7] Personne, surtout pas moi


« J'ai sur le bout de la langue
Ton prénom presque effacé
Tordu comme un boomerang
Mon esprit l'a rejeté
De ma mémoire, car la bringue
Et ton amour m'ont épuisé »

Comme un boomerang, Serge Gainsbourg



N’avez-vous jamais remarqué que tous sont sombres et furtifs, si bien qu’on n’aperçoit jamais le visage de ces amants égarés ? Ils se faufilent en silence, et sans la moindre vigilance plongent du haut d’une falaise, dans une mer déchainée prête à tout pour les charmer. Par une belle nuit d’avril, j’ai rencontré un de ces hommes et il chantait en bégayant ces quelques mots ébouriffants : « J’écraserai sur ton front nos cigarettes encore brûlantes, et c’est ma flamme incandescente qui t’embrasera à petit feu. C’est sur ton front, mon tendre amour, que se consumeront nos cœurs, réduits en cendres depuis longtemps par un désir fort ravageur. On s’enflammera main dans la main, puis on regardera au loin, ces étoiles qui brillent encore, de mille feux déjà éteints. Et quelquefois, il m’arrivera de simplement vouloir te dire ces tendres mots tant répétés que tu as toujours oubliés ».

mardi 7 avril 2009

[6] Jésus


« I will rise now, and go about the city in the streets, and in the broad ways I will seek him whom my soul loveth : I sought him, but I find him not. The watchmen that go about the city found me : to whom I said, Saw ye him whom my soul loveth ? »

« Song of Salomon », Cantique des Cantiques



Je t’ai dit que je me marierai et que j’aurai des enfants. Le mariage, c’est simplement pour faire comme tout le monde. Ma femme sera belle, naturellement. Je ne lui demanderai pas de penser ; de toute manière, je ne l’écouterai pas. Si elle n’est pas stupide, ça ferait simplement mieux auprès de mes amis. Les autres hommes me jalouseront et j’aimerai voir leurs regards avides sur ce corps que je serai seul à caresser. Ça me fera jouir, et ça sera bien la seule chose avec elle qui me fera prendre mon pied. On sera un couple admiré mais loin d’être admirable. Ça sera un décalage de plus dans ma vie. Les enfants, c’est un des caprices de l’adolescent pourri que j’étais ; de l’adulte corrompu que je suis. Ils seront à moi parce qu’ils me devront la vie. Je serai leur créateur, l’initiateur des commandements de leur vie. Je serai Dieu, ils seront mes fidèles. Ils me loueront un culte, et je crois bien que j’aimerai ça. Une femme. Des enfants. Tous m’aimeront et je ne leur accorderai pas même un regard. Je les ignorerai. Ils en souffriront. Ça me sera totalement indifférent. Tard le soir, je traînerai toujours dans les bars. Je continuerai aussi de me promener seul dans les bois. Tu ne m’y accompagneras plus, je te l'interdirai. On se sera quitté, on se sera fait nos adieux depuis des années. Pourtant, on n’y pensera toujours et ça nous fera même un petit quelque chose. Peut-être le goût de l’inachevé. Je me souviendrai de toutes ces nuits passées loin de toi et il m’arrivera d’avouer que j’ai pensé à toi dans leur lit. Je me dirai que c’est terminé, et qu'il y a une fin à tout. Alors parfois, je crierai : « Aujourd’hui, je ne pleurerai plus ».